L'Indicible
29 octobre 2004
 

Retour de mots

On voit des mots au loin on croit qu’ils nous ressemblent, qu’ils nous parlent, étrange ambiance, mais parfois on se trompe, se heurte, on ne parle plus.
On pense que des mots peuvent se comprendre, s’apprécier, se dire et parfois s’aimer, on joue avec cela, on en fait des gelées, des confitures même des bouillies bien épaisses, on joue avec la texture les saveurs et même les pleurs, on étend des grands voiles sur des cordes tout autour du monde, cela vole et s’envole aux vents, le mistral la tramontane et même le vent qui rend fou.

Et on se retrouve tout petit sur le chemin dans un pays lointain avec encore quelques mots dans la besace, on vagabonde çà et là, on se demande ce qui a bien pu se passer, se retrouver là, des voitures foncent alentour et toi tu marches, surtout tu marches surtout ne pas monter dans une voiture, juste tu marches pas à pas, mot à mot, une nouvelle histoire se déroule tu ne connais même pas le début encore moins la fin e t tu marches là dans des fragments d’histoire, tu parcours d’autres langues, d’autres langages c’est un grand sourire, c’est tellement bon de se mêler aux mots du monde et tu recommences le b a ba bonjour, ça va, tu veux, tu viens, tu pars, tu pleures, tu cries, t’as faim, t’as soif, t’as froid, t’as mal.
Il y a toujours un joueur de saxo pour nourrir ton âme et des guitares et une chanteuse à la voix d’or en robe rouge, une chanteuse qui ensorcèle assise à côté de toi.
Des oiseaux s’échappent une belle envolée, tu e s subjuguée, tu ragardes bouche bée tu peux rester des heures des minutes des instants, quelque chose s’est passé tu sais que tu ne t’en remettras jamais quelque chose a touché au fond, le fond, l’insondable fond et pourtant..

Seule sur le chemin tu continues c’est ainsi ta vie tu laisses quelques laines lianes en farandole t’enrouler juste pour jouer, pour croire que.. c’est vrai tu es accrochée aux fils du monde, les fils du monde t’ont enfilée, en fait tu n’avais rien vu même pas remarqué et puis tu les sens là autour de ton cou de tes jambes, de ton coeur.
Tu te demandes si d’autres ont aperçu la belle envolée, tu les vois ils sont là dans leurs histoires leurs tiroirs leurs placards alors tu laisses échapper un son un cri qui arrive de derrière oui c’est ta spécialité ce qui arrive de derrière et puis il n’y a que là où tu le pousses ce cri ça renaît ça détruit.
Le cristal se brise au premier regard, la nuit remplit les vides, l’éclipse de la lune soupire, c’est insupportable ce temps qui disparaît ces pas que l’on désire la nuit pour finir.
Et il y a toujours ces étreintes de mots ces étreintes d’amour ces plongeons si fous qu’il nous laisse dans l’air sans air dans la grande atmosphère.

 
17 octobre 2004
 

Jeu nœud

Ce besoin insatiable de communiquer, d’être acceptée, aimée, ce besoin comme un enfant, être prise dans les bras, cajolée et laissée libre évidemment libre de repartir à mon gré, sans contrainte.
Peut-être écrire de la main gauche sans penser comme on peint avec la main gauche, toujours plus de sensibilité à gauche et pourtant déjà beaucoup de sensibilité à droite.
En fait ce jour est si triste, que cela devient poétique, sensible, important, étonnant, si présent, si vivant, le ciel pleure pour nous.

Au loin l’orient, les bleus et ocres d ‘ailleurs, leurs voix langoureuses languissant sur nos peaux, dans nos cheveux et le creux de son cou, si doux, nos désirs insoumis, l’impossible attente.

Je retourne à la peinture, une autre manière d’être au monde en vie, je traverse le fleuve avec Léo, il me prend la main, je l’embrasse, nos ombres bleu de prusse parcourent la ville, on retourne là où il m’a laissée, on retourne là, il n’ose me quitter, je préfère être seule, je le regarde partir.

Elle me dit cette fille blonde et jolie qui a sauté ou s’est jetée par la fenêtre, le samu est arrivé, elle était allongée sur le sol, sur l’eau, elle ne comprend pas pourquoi, elle était blonde et si jolie , elle se demande si elle va mourir.
Je pense à elle sous le train, sur les rails du TGV avec ses enfants et son mari parce que l’homme coupeur d’eau est venu, elle n’a pas dit qu’elle ne voulait pas qu’il coupe l’eau et n’a pas parlé de ses enfants, ils étaient là à côté, une autre histoire de Marguerite Duras dans "la vie matérielle".
Tous ceux qui décident de mourir avons-nous seulement une fois écouté ce qu’ils disaient ou même entendu leur silence. L'histoire se joue dans les silences violents, la solitude hurlante,des mots à écrire parce que quelque chose ne se vit pas .

Je reviens et respire, bois le punch qu’il a préparé, il cuisine avec des baguettes, je suis heureuse avec eux, et n’ai pas envie de mourir.

 
08 octobre 2004
 

Ombres

M’asseoir auprès de lui,
Sourire
La tristesse pleine de l’automne, feuilles envolées,
Les larmes aux plaines de la mort
La nuit, les longs soupirs et puis les cris, vous n’écoutez plus, vous êtes parti, je ramasse les derniers papiers, je les brûle,
Feu ,
Et l’amour, notre amour, là au milieu du ciel , un lac, une flaque
Je touche la lune de mes bras arrondis sans effort c’est un mouvement lent et délicat, elle est à mes côtés, elle pleure elle rit.

Je dépose le tout dans la mer,
La tension est si forte qu’il faudra bien un peu la détendre,les mouvements lents, vos pas si grands, je cours derrière, je vois les visages, toutes ces lèvres en abandon dans tes mains, je respire et souffle au loin.
Eux je ne les sais plus, j’ai peur, je voudrais tant qu’ils soient heureux, mais l’ombre est partout, vous le savez,les ombres noires comme l’encre, vous en avez plein les doigts et moi aussi.
Vous vouliez qu’ils s’arrêtent un peu, qu’ils contemplent, trouvent un peu de paix et voient la lumière dans tout ce noir,
Vous vouliez mais vous vouliez trop, tout organiser,tout faire, dominer, ils sont libres vous savez ils sont libres et si fragiles, juste pour cela je les aime tant.
Et tous ces mots, c’est sûrement trop, alors vous l’appelez, enfin je l’appelle, lui demande une nouvelle fois, surtout je l’écoute, sa voix, je la chéris depuis le début, depuis l’œuf dans le ventre de la mer, les mêmes eaux, je tremble, le cœur c’est encore le cœur.
Vous pensiez que juste aimer suffisait qu’après l’évidence, la danse, les peaux tout cela irait de soi, de toi, mais vous aviez oublié l’enfance, cette souffrance accumulée dans tous les plis du corps.
Parmi les herbes roses, jaunes, bleuies, je laisse venir les sons, je marche les yeux fermés, c’est toi qui précèdes, la flûte dans la montagne, c’est toi, depuis longtemps,
Et les rouleaux dans le vent, ces feuilles végétales, vierges vestales, je joue avec.
Je serai, tu seras maître dans le silence, se taire et ceux qui ont choisi de mourir,le noir au bord des paupières , ténèbres.
Et le cœur virevolte, trouble les doigts, tout ce qui nous sépare, tout cet amour cela déchire tant de papier en petits morceaux, je réunis les ombres d’un grand coup de pinceau,
La solitude de l’autre côté du pont, toujours là, grande et vivante, le soir vibre son désespoir,
Je ne lui arrive pas à l’épaule, tant de détachement, nos routes à parcourir sont innombrables.
J’écris,les traces sont trop nombreuses, je nage dans la confusion, ses lèvres me fascinent et son sourire me peint, m’atteint ,
Le temps s 'écoule, bientôt il faudra partir,l’appel du dehors, c’est peut –être mieux le silence,
Je ne calme pas l’attente, juste un îlot supplémentaire dans le cœur,
J’écoute les autres leurs histoires, j’oublie la nôtre,
Notre lit de silence, angoisse sous les draps, le levant reste le levain de nos âmes,
Vivre l’invivable à cru, écrire.
Et l’enfant tout petit rince ses doigts aux couleurs d’un arc-en-ciel, les magiciens mangent aussi du pain, prends lui la main, regarde avec lui les étoiles, la nuit tout s’écrit dans le ciel.
On aime plus que tout mélanger l’ombre à la lumière légère,
On dérive depuis longtemps la nuit dans le sang blanc des paysages en noir, nos ombres , nos ombres abandonnées grandissent les murs et toi tu crois que tu sais,
On ne sait plus qui fait quoi qui est qui, l’ombre ,
On se promène on joue la musique, on est les seuls qui se déchirent et s’aiment,
C’est notre ville la nuit à l’ombre, tu souris encore, j’aime, c’est si bel nos ombres la nuit, c’est excessif comme la mort, tous ces oiseaux envolés, nous inversés librement, nous renversés autrement,
Je caresse l’eau du fleuve et j’écris direct sur les murs de la grotte, je peine, tu peins, et elle chante jazz ce soir là pour moi, my sister, je vous aime,
On est entré en résistance il y a si longtemps, on souhaiterait que quelque part quelqu’ un nous aime comme dans les livres.
Il est mort, c’est terrible de mourir comme cela, je regarde le monde envahi, tant d’images de clichés , je me dis je n’ai pas fini de poursuivre mes ombres, de ne pas comprendre le monde, la vie la putain de mort

 
01 octobre 2004
 

Demain, j'arrête

La place se met à rougir, un chant à la violence des roses, on marche vers les berges, une aspiration par le vide dans l’absence de nos corps ou dans leur disparition, nos chairs au fleuve.
J’écris pour ne pas dire ou ne rien dire, j’écris dans le vide, le vide absolu, tout est au-delà ou en dessous, tout se joue entre les mots et les images, entre les bouts de nous-mêmes, les espaces, les interstices, le supplice de la vie.
Nos lèvres en démesure s’agrippent sur le quai, le soleil roucoule ses derniers mots d’amour, tu ne veux pas de romance et moi je savoure nos derniers instants, la lumière est splendide, ta main dans mes cheveux a un goût d’éternité.
Tu es attachant et condamné comme ces villes de guerre, Prague, Beyrouth, je t’ai trouvé, je ne veux plus te quitter, je ne te quitte pas, toi seul pars, tu la joues détaché, désinvolte, je connais le couplet, tu regardes vers le ciel, je regarde tes chaussures, tu dis c’est fini, putain je l’ai mille fois entendu, je me serre contre toi, tu dis ça va te détruire, je dis tu l’as déjà dit et tu me serres plus fort, tu dis cela me fait peur, et là j’ai envie de hurler ton nom dans toute la ville, de crier où sont passées ta superbe, ta splendeur, tu es pathétiquement triste, je me tais, soudain il fait presque nuit, tout devient calme, le fleuve même se tait .
Tu m’entraînes dans les ruelles, je parle du bleu idéal, tu me trouves encore beaucoup trop sentimentale et tu t’énerves Emma arrêtes cela…..
J’arrête quoi, j’arrête tout, j’arrête d’écrire, de te voir, de vivre, j’arrête moi, c’est ça que tu veux, et quand j’aime, j’aime pour toujours, tu comprends pas, avant, je ne t’aime pas pour ton joli cul ou même ton regard, tes mains enfin tout le physique, j’aimais avant rappelle toi les peintures, j’étais bouleversée par les peintures et toi aussi rappelle toi, c’était rare d’être touchés comme cela, alors le physique tu sais, c’est juste un plus et tu répètes Emma arrête et ton regard m’enveloppe encore, je suis troublée, je vacille, je titube, je m’accroche à ton bras à tes pas, on est là tous les deux, pantins désarticulés et tu caresses ma main, mon bras.
Et tes caresses qui me caressent, il n’y a que toi comme cela.

 



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