Je vais manger avec C et là, surprise deux hommes que j’aime beaucoup, P. le plus jeune me serre contre lui et dit « tu es très belle » je suis flattée et touchée, lui rétorque qu'il est très beau, c’est une évidence, il est toujours très beau, souriant et délicat et B. que je connais depuis si longtemps me raconte les derniers livres découverts, ceux que je vais aimer il les garde pour moi, on va à la pizzeria sous la pluie froide de novembre, on se réchauffe tous les quatre autour de la table, entre les mots, les rires, les connivences, les complicités, on parle de tout, je rougis quand j’effleure son existence.
Je dois rejoindre Lucie au retour, me trompe de chemin, rentre, allume le feu, on se donne rendez-vous à 5 heures, autre sortie programmée avec Adrianna et la bande, je suis en train de partir, j’ouvre la porte, téléphone, le délicieux accent de Montréal, Annie, la grande dame du pays blanc, alors je ne pars pas et il fait trop froid dehors, chez elle il neige, on se raconte, nos amours dans nos bouches deviennent caresses chaudes et vibrantes, elle me fait réfléchir et voir autrement mes relations, je m'endormirai avec cela et au réveil, peut-être je serai différente. Et à l’autre bout du monde sur son ordinateur portable, elle " bidouille " les codes pour moi, je préfère le faire mais elle pense que je vais m’énerver, alors voilà la nouvelle page, une de mes obsessions des bleus, des bruns, c'est un peu papier peint, j’ai mal à la tête et demain je veux être en forme, concentrée, j’ai un rendez-vous vital pour ma survie mentale (je ne peux pas laisser flotter), yes, I can't, yes I try. Et en tapant sur le clavier, je lui parle, je la crois dans la pièce, à chaque fois quand on reste des heures au téléphone, je la crois à côté près de moi, je veux lui dire et je ris, les mots se perdent, je ris toute seule, elle est partie faire ses courses, je ne suis pas sortie, il est trop tard et je veux être en forme demain et vivre l’inexploré...
Tu dis:" il ne faut jamais arrêter d’écrire", parfois j’ai besoin de silence, de paix intérieure, l’espace sans mots, l’espace vide et cet espace là m’échappe tout le temps, j’y mets des prénoms, des rêves, des illusions, des pulsions, des désirs, des idées, des colères aussi, des rages, des tristesses infinies, anciennes, archaïques et profondes.
Ne pas chercher dehors ce qui est en moi, passer toutes ces strates, ces déchirures, ces blessures, ces rêves écartelés, ces espérances brisées, démantelées, et trouver la plénitude, la sérénité, le vide blanc.
Et le besoin de parler, d’écrire les mots que l’on ne s’est pas dit les mots troubles, les mots doux et tendres, les mots qui rapprochent, caressent le feu de la peau, les roses dans le lit, les sourires soupirs, les gémissements, les dépits, la longue plainte dans le matin, cri ancestral...
Marcher encore, traverser tous les ponts de la ville , écrire dans le carnet bleu transparent, évanescent, absent dans ce bar au bord du fleuve , écrire et regarder l’eau couler et le nouveau projet comme une évidence danse sur les ponts de la ville,sur les rails du chemin de fer, dans les creux des chemins, sur les lignes de fond et de fin, dans le jaune et le vert tendre, il danse ...
Théâtre, bambous, danse, coïncidence, fou, amour, toujours, encore, musique, liberté, souffle, inspiration, expiration, joie.
Dans un jardin de la ville, assise dans le soleil, je vérifie mes horaires, un errant de la rue me demande un euro pour son chien, je lui donne, il me remercie, commence à bavarder, il me trouve sympathique, préfère me tutoyer, je souris dehors, triste dedans; il m’a quittée, il a touché une dernière fois mes cheveux, je franchis sa porte me retourne, il est déjà parti, on n‘est pas dans la même histoire, on n’est jamais dans la même histoire , j’ai dit que j’écrirai sur lui peut-être, cela ne lui plaît pas trop, je ne lui donne pas de nom, je voulais un nom qui lui ressemble , un nom bleu de l’air, un nom au feu de notre étreinte, reste un nom noir plutonien, un nom dévastateur, un nom qui sépare, il n’existe plus, il a coupé ses cheveux fous, il dit: "ne fais pas cette tête-là", j’ai la tête de mon cœur renversé, ravagé.
"You can't always get what you want"
Je vais encore tout mêler, les tristesses d' hier et d'aujourd'hui, l'avant , le pendant et l'après.
Je suis revenue de la ville rose, j’ai appris énormément de choses, je suis, je serais une romantique, je trouve cela trop mignon, après parler, dire, se raconter avec mon sage qui est plus jeune que moi, beaucoup, je me considère comme une romantique épicurienne, je suis contente, j’arrive à me classer, à me mettre dans un tiroir, des fois cela fait du bien, chez moi c’est plutôt rare, c’est le temps Saturne.
J’aimerais retrouver l’or dans les mots, le silence impossible et la présence éternelle de toi qui n’es plus.
J’aimerais m’asseoir au bord de ton âme, caresser encore le joyau de ta peau, allumer la lumière de nos yeux.
J’aimerais me fondre dans ta voix, noyer tous le spectres qui hantent ma vie, croire encore au mouvement si fort de l’amour.
Et comment je tressaille au son de ta voix et comment je tremble à la pensée de toi.
Et ma bouche affamée boit l’élixir de ta voix dans cette drôle de machine et je goutte et goûte encore.
Mon ventre s’est perdu au rythme des chimères, de silences trop blancs pour être sincères.
Et le souffle dans mon ventre ne sait plus l’insondable feu et le souffle dans mon ventre s’essouffle à leurs haillons et autres loques auréolées de couleurs, du bleu impossible, du rêve qui se perd dans des escaliers sans fin, quand le temps se défait mes bras cherchent encore un bout de ta peau, un parfum de toi.
Eprise encore éprise d’un autre regard, d’un amour impossible, j’attends dans les gares, je reprends des trains, je vole au-dessus des avions, je me fous du temps, de votre conjoncture, des sourires des passants, je crie à l’infini la folie d’exister dans l’immensité de tes bras, la folie de me perdre pour un homme, éternel amoureux de la femme idéale.
Dans l’intense de la nuit, je brode des mots sur des draps de traverse, j’appelle encore et ne sais plus depuis longtemps le bruit de tes pas.
Et j’attends encore et encore que tu respires au son de ma voix.
Dans le noir de la nuit, je veille aux quatre coins, la lune éclaire mes émois et me laisse cendres au matin sans café, loin de toi.
Je descends tous les vents qui mènent à la mer, je grimpe toutes les voiles au mât de ton nom, je recommence l’histoire.
Je le laisse entrer dans l’histoire, une histoire dans le temps, je le perdrai dans l’histoire, le sèmerai au milieu des mots, l’artiste qui plaît aux femmes, ses cheveux fous enroulés dans le verbe, ses longues mains sur le corps de belles voyelles, je laisse sa voix pénétrer le cœur d’un poème indicible, je relie chaque syllabe au doux de sa peau.
On ne peut pas tout écrire ici, c’est dommage et écrire est difficile lorsque je touche ce qui me dépasse, alors je raconte à elle qui vient de virer son copain avec ses affaires dehors, et à Lucie qui m’aime comme je suis absolument, avec elle on a bu et boira le vin qui calme, adoucit, fait rire et pleurer et encore rire et on se dira à l’infini toute la nuit, je pense à elle aussi dans la très chaude brûlante de l’été et j’écoute Léo Ferré, derrière le rideau rouge d’un théâtre parisien, j’ai dix sept ans, j’écoute fascinée:
« ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume ou qui ne vivent pas c’est selon la saison, ce sont de drôles de types qui traversent la brume avec des pas d’oiseaux sous l’aile des chansons,
leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine, les sous dans les bouquins qu’ils n’ont jamais vendu, leur femme est quelque part au bout d’une rengaine qui parle d’amour et de fruit défendu.
Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer, ils mettent des rubans autour de l’alphabet et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l’air
ce sont de drôles de types qui regardent les fleurs et qui voient dans leurs plis des sourires de femmes... » et plus tard avec « London calling » , je le retrouvai dans des pubs enfumés parmi les musiciens.
J'écoute peu les informations et comme le reste du monde continue de tourner, de temps en temps je vais sur ce site L'En Dehors, pour ne pas m’endormir.
Je délaisse ici,le grand soleil dehors m’appelle et les autres aussi et le théâtre, cela fait du bien de vibrer à fond pour de bon.
Antigone, la fière, la belle, la courageuse est partie, sur le quai je caresse ses larmes.
Je parle avec lui, on écoute le silence troublant et il parle beaucoup et j’aime sa voix,j’aime l’entendre, on décortique nos emplois du temps, il reste un temps un peu serré mais du temps quand même , on va se voir , je ferai le voyage, j’ai le cœur à bouger, retrouver ses bras goélands, plus légère je rejoins la grande Lucie et encore le théâtre, la lune est pleine , je dors avec un sourire.
Je vais manger dans la maison pleine de livres,je mets des bulbes de jacinthe dans un pot de terre pour elle, parfum d'hiver.
L'enfant lumière appelle d'Espagne, bonheur et amour,j'ai oublié de lui dire trop de choses.
Des coulemelles au bord du chemin et même un loup aux yeux très clairs, je ne peux pas m'empêcher de parler de lui.
Vous savez le bleu, l’azur et les ciels d’automne, le bruit des feuilles jaunes et ocres dans les bois et les sous bois, et même les coups de fusils des chasseurs, vous savez les longues marches pour oublier, apaiser et marcher plus loin en dedans.
Vous savez comment la peine remonte par vagues, comment elle traverse le cœur , renverse les corps et dévale sa marée silencieuse de mots oubliés.
Vous savez comment on construit toute seule les histoires d’amour dans la tête, juste pour la lumière bleue d’un regard, juste pour du rouge sur des lèvres, juste pour une caresse si légère sur la peau que vous la sentez encore, juste pour le rien et le tout d’une fougue longtemps oubliée.
Vous savez tout et sûrement plus encore, vous savez l’âme de la guitare, vous savez comment résonnent les cordes et quand ils partent vous savez les larmes que retiennent les femmes et vous savez aussi leurs étreintes quand ils nous quittent .
Vous savez la nuit, les mouvements des corps aux bords du lit, la fièvre, comment collent les peaux, vous savez le matin quand ils partent, l’odeur encore dans les draps, vous savez aussi l’espoir fou qu’ils reviennent, qu’ils rentrent à nouveau dans la chaleur.
Vous savez aussi les baisers rapides et les autres plus longs, les lèvres qui s’éternisent et la découverte de nouvelles douceurs.
Vous savez les peaux douces des enfants, leurs grands yeux brillants et leurs petites mains qui se baladent partout.
Vous savez que rien ne sera comme avant, qu’aujourd’hui est toujours différent.
Vous savez les oiseaux e t la flûte enchantée, les roseaux et le vent dans le vert des bambous, vous savez la poussière, les papillons volant partout, vous savez les filles, leurs robes et leurs frissons, la langueur, la chaleur, et comment la douleur pénètre à l’intérieur et occulte tout le reste.
Vous savez les musiciens, les poètes, les artistes, leurs mouvements désinvoltes, leur façon de nous plaire et l’aura fascinante qu’ils promènent partout, vous savez comment ils nous enveloppent de leurs corps et comment après ils s’en vont ailleurs.
Vous savez les soirées entre femmes et les fantômes qui rodent.
Je feuillette le santé mentale du mois d’octobre et découvre cela:
"A comme amour
Qu’est- ce qui rend fou, cette question maintes fois débattue de façon souvent passionnée n ‘a semble-il pas encore trouvé sa réponse.et sa nature quasi philosophique laisse supposer qu’elle a encore de beaux jours devant elle. En attendant, chacun y v a de son idée en fonction de ses connaissances, de ses observations ou encore de son histoire d e vie personnelle.
Soyons fou! et parlons un peu d’amour …Il y a là une piste pour une étiologie de la folie. Un certain J.Richman (psychanalyste anglais plein d’humour) a défini la maladie mentale comme étant « l’incapacité d’être en mesure de trouver quelqu’un qui soit capable de nous supporter »ou de nous aimer, aurait-il pu rajouter. .'Voilà une définition simple et qui ne craint pas de laisser entendre que la folie, c’est un peu l’affaire de tout le monde: des supporters et des insupportables. et la frontière entre ces camps est floue et dangereusement facile à franchir. Je l’aime, un peu, beaucoup, à la folie…Et pour finir pas du tout! Ce petit jeu populaire qui a permis d’effeuiller tant de marguerites, nous signale qu’il suffit parfois de pas grand chose-un pétale-pour qu’en amour le meilleur bascule pour le pire. Que d’erreurs commises en son nom et combien il est difficile d’en parler.
La pire des souffrances : le manque d’amour , les services de psychiatries sont pleins de victimes de l‘amour
A comme amour, je t’ aime, un peu, beaucoup, à la folie car en psychiatrie, l’amour ou le manque d’amour occupe toujours une grande place."
vous trouverez beaucoup plus dans "Abécédaire, Regards soignant sur la psychiatrie"
je ne recopie pas tout, c’est intéressant et très interrogeant . et à méditer longuement, évidemment.